La « Loi travail » n’est pas un simple catalogue de nouvelles mesures visant à flexibiliser et simplifier les règles.
La réduction du délai de contestation désormais de 12 mois, la fin du principe selon lequel « la lettre de licenciement fixe le cadre du litige », les ruptures conventionnelles « collectives », autant de revendications des syndicats patronaux qui ont été repris dans la loi.
Elle est, en soit, un changement radical dans le droit du travail, dont l’essence était de corriger les effets délétères du lien de subordination, dans la conclusion, l’exécution et la rupture du contrat de travail.
L’ordre public social, jusqu’alors protecteur, est repensé. En abaissant le niveau de négociations à l’entreprise, le droit du travail devient contractualisé. L’articulation des ordonnances laisse clairement entrevoir les étapes qui permettront à chaque entreprise de se libérer des règles contraignantes de protection des salariés et des supposés « effets psychologiques » que le droit du travail pouvait avoir sur les investisseurs.
La « barémisation » des indemnités procède aussi de cette volonté, au motif de la « sécurisation des relations de travail », même si le risque de provisionner le coût de la rupture parait désormais assez évident.
Dans les grandes lignes, les ordonnances doivent être lues comme différentes étapes aux termes desquelles chaque entreprise aura un droit du travail à sa mesure qui, s’il n’était pas accepté par le salarié, n’aurait plus qu’une incidence financière limitée.
L’emploi, dans une économie mobile et libéralisée, n’a plus en soi de valeur parce qu’il n’y a plus d’attachement à l’emploi. Les ordonnances intègrent cette logique.
L’accord d’entreprise occupe une place centrale dans l’organisation des rapports entre l’employeur et les salariés puisque désormais, sans être encadré par un accord de branche, il règlera seul l’aménagement du temps de travail, la rémunération et les conditions de la mobilité professionnelle. (article L 2254-2)
Ce dispositif illustre ce que préfigurait déjà la Loi El Khomri et qui se trouve être confirmé, à savoir une inversion de « la hiérarchie des normes ».
Mais l’ordonnance « relative au renforcement de la négociation collective » va plus loin et s’attaque à ce qui jusqu’alors, était un principe bien établi, à savoir « l’intangibilité du contrat de travail » lequel jusqu’alors, ne pouvait pas être affecté directement par un accord collectif, ce qui obligeait ainsi l’employeur à recueillir l’acceptation du salarié.
Ce principe n’existe plus.
En termes clairs, l’ordonnance prévoit que « les stipulations de l’accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée de travail et de mobilité professionnelle ».
Jusqu’alors, l’employeur était tenu, dans ces matières, de présenter son projet de modification au salarié qui disposait alors d’un délai de 1 mois pour se prononcer.
Le nouveau régime reposerait plutôt sur le vieil adage : « qui ne dit mot consent ».
Ce sera donc au salarié de faire connaître son opposition à l’application de l’accord dans un délai de 1 mois à partir du moment où l’employeur aura « communiqué dans l’entreprise sur l’existence et le contenu de l’accord ».
L’ordonnance écarte dans ce cas la possibilité pour le salarié de bénéficier d’un contrat de sécurisation professionnelle.
Elle exclut même, le concernant, toute possibilité de pouvoir contester son licenciement lequel « ne constitue pas un licenciement pour motif économique et repose sur une cause réelle et sérieuse ».
Compte tenu des incidences que peut avoir l’accord d’entreprise sur la situation du salarié, sur le plan notamment de sa rémunération, de l’organisation du temps de travail et surtout de sa prise en charge en cas de rupture, la véritable question est donc de savoir si il existe des garde-fous permettant d’envisager une négociation loyale, dans un rapport de force équilibré.
La Loi travail offrant aux entreprises la possibilité de déroger aux accords de branche sur des questions d’organisation du travail aura bien évidement des incidences évidentes sur le coût du travail et donc également sur les rémunérations.
La mise en concurrence des entreprises dans une économie de marché devrait également amener un alignement sur les accords les plus flexibles et les moins coûteux socialement parlant.